Publié le: 10 septembre 2024Catégorie(s): Testaments et mandats

Dans le tissu social du Québec contemporain, une réalité se dessine : un couple sur trois vit en union libre, sans les liens formels du mariage. Qu’ils partagent des années de complicité, qu’ils soient parents ou non, qu’ils cohabitent en propriété conjointe, ils méconnaissent souvent les subtilités légales qui les différencient des couples mariés en cas de tragédie. Le conjoint de fait, en l’absence d’un testament adéquat, se voit dépourvu de tout droit d’héritage et ne peut prétendre à la reconnaissance en tant qu’héritier légitime.

Scénarios possibles sans testament

Conjoint de fait sans enfants

Selon le Code civil du Québec, la famille (parents et frères et sœurs du défunt) héritera de l’entièreté des biens du défunt si celui-ci décède sans laisser d’enfants ou de conjoint marié ou uni civilement. Ainsi, en l’absence de testament, le conjoint de fait se voit entièrement déshérité, peu importe le nombre d’années vécues ensemble.

Partage de la propriété immobilière avec la famille élargie

Si vous partagez la propriété d’un bien immobilier avec votre conjoint de fait et qu’il décède sans testament, vous devrez partager cette propriété avec sa famille. En d’autres termes, vous devenez copropriétaires avec votre belle-famille. Vous n’aurez aucun droit sur les biens de sa succession, faute de liens de mariage.

Les conséquences peuvent être substantielles, notamment lorsqu’il s’agit de décider de la vente du bien, une situation qui peut engendrer des tensions si la famille refuse de coopérer. Il pourrait y avoir des désaccords sur le prix de vente de la propriété, le choix du courtier immobilier, ou même sur de simples formalités entourant la vente, comme quels meubles ou électroménagers seront inclus ou exclus de la vente. Le processus risque d’être long et fastidieux.

Démarches légales : un cauchemar administratif pour le conjoint qui reste

Lorsqu’une personne décède sans testament, des démarches légales obligatoires s’ajoutent avant de pouvoir entamer la liquidation de la succession. Il sera nécessaire de voir un notaire pour la signature d’une déclaration d’hérédité visant à identifier les héritiers légaux du défunt. Par ailleurs, ces mêmes héritiers deviendront ensemble les liquidateurs de la succession.

Le liquidateur est chargé de faire les recherches testamentaires, d’ouvrir un compte de succession, de réclamer les bénéfices de l’assurance-vie, des rentes et des prestations, de payer les dettes de la succession, de s’occuper des formalités fiscales auprès de Revenu Québec et Revenu Canada, d’administrer les biens de la succession, et de partager et transmettre les biens. Malgré une vie partagée et une connaissance intime des affaires et biens de votre conjoint de fait, vous vous retrouvez, en plus du deuil, confronté à la famille élargie dans la gestion de la succession.

Dans l’éventualité où il devient trop lourd de faire toutes les démarches nécessaires à la liquidation ensemble, il est possible de désigner un liquidateur par acte notarié. Les parents, frères et sœurs du défunt pourront alors nommer le conjoint de fait en tant que liquidateur de la succession, étant donné que vous êtes sûrement le plus qualifié.

Somme toute, si votre conjoint de fait décède sans laisser de testament, des tâches complexes et coûteuses s’ajouteront à votre fardeau.

Conjoints de fait avec des enfants

Héritage pour les enfants mineurs

Lorsqu’une personne non mariée a des enfants, la loi prévoit qu’en absence de testament, les enfants hériteront de l’entièreté de la succession. Si vous êtes propriétaires indivis d’un bien immobilier avec votre conjoint de fait et qu’il décède sans testament, vous serez copropriétaires avec vos enfants.

Imaginez le scénario si vos enfants sont mineurs : toutes transactions immobilières deviendront plus compliquées à se concrétiser, étant donné les formalités légales supplémentaires à prévoir. Vous ne pourrez ni vendre le bien immobilier ni le refinancer sans constituer un conseil de tutelle, et un jugement pourrait être requis. Tout sera donc plus laborieux, avec des délais et coûts additionnels, et l’implication des proches des enfants mineurs.

Si la valeur de l’héritage d’un mineur est supérieure à 40 000$, le Curateur public sera impliqué dans la gestion de cet héritage. Le tuteur devra alors faire des comptes rendus périodiques au Curateur public afin de justifier l’utilisation et la gestion des sommes appartenant au mineur, et obtenir des autorisations pour accomplir certains actes importants.

Héritage pour les enfants majeurs

Si les enfants sont majeurs, ceux-ci pourraient contraindre la vente d’un bien immobilier pour obtenir leur part d’héritage. Par exemple, vous vivez en union libre avec votre conjoint depuis plusieurs années et avez des enfants ensemble. Vous êtes copropriétaires d’un immeuble avec votre conjoint. Si celui-ci décède sans testament, vos enfants hériteront de tous ses biens, incluant cet immeuble.

Si les enfants sont majeurs, ils peuvent vous forcer à quitter la maison, soit en la vendant ou en la louant. Ils sont copropriétaires avec vous et ont le droit de réclamer l’héritage que leur père leur a laissé et en disposer comme ils le souhaitent. Cela peut vous mettre dans une situation précaire et embarrassante.

Relations avec les ex-partenaires : un stress additionnel ?

Le tout devient d’autant plus compliqué dans le cas des familles recomposées avec des enfants d’unions précédentes. Par exemple, vous vivez en union libre avec votre conjoint depuis plusieurs années et avez chacun des enfants provenant d’unions précédentes. Vous êtes copropriétaires d’un immeuble avec votre conjoint. Si celui-ci décède sans testament, ses enfants hériteront de tous ses biens, incluant cet immeuble.

Vous vous retrouvez donc en copropriété avec ses enfants. Les risques de discorde se multiplient, car ceux-ci pourront forcer la vente de l’immeuble afin de toucher leur part de l’héritage. Si les enfants de votre conjoint sont mineurs, vous serez dans l’obligation de gérer toute cette situation avec la mère des enfants, soit l’ex de votre conjoint. En plus du deuil, cette situation risque de provoquer du stress additionnel.

Solution : préparez votre testament

Les biens d’une personne qui décède sans testament sont partagés selon les lois de dévolution successorale prévues dans le Code civil du Québec. Cependant, à l’heure actuelle, un conjoint de fait ne sera pas considéré comme héritier s’il n’est pas nommé dans un testament, peu importe le nombre d’années vécues ensemble, le fait d’avoir des enfants ou de posséder une propriété ensemble.

L’importance d’avoir un testament quand vous êtes conjoint en union libre est capitale. Un testament vous permet d’exprimer vos volontés en cas de décès et de préciser qui héritera de vos biens, qui sera le liquidateur de la succession et qui sera le tuteur de vos enfants mineurs le cas échéant.

Les avantages de désigner un liquidateur

Le testament vous permet de désigner les gens qui hériteront de vos biens à votre décès. Vous pouvez ainsi protéger les personnes que vous aimez, notamment votre conjoint de fait, en le nommant expressément en tant que légataire d’un bien spécifique (ex : un immeuble), d’une somme d’argent ou d’un droit de vivre dans l’immeuble vous appartenant à la suite de votre décès.

Le testament vous permet également de désigner un liquidateur qui sera chargé du règlement de votre succession. Ceci vous permet d’avoir l’esprit tranquille en sachant que vous avez choisi une personne de confiance et que votre famille n’aura pas à effectuer des démarches légales qui causeront des délais et coûts additionnels.

Protégez vos enfants

Si vos enfants sont mineurs, le testament vous permet de nommer un tuteur dans l’éventualité où le deuxième parent des enfants est lui aussi décédé ou inapte. Cette personne à qui vous faites confiance pourra prendre en charge immédiatement les jeunes enfants et s’occuper de leur bien-être sans autre formalité. Par ailleurs, vous pourrez prévoir l’âge auquel vos enfants mineurs toucheront leur part d’héritage afin d’éviter qu’ils ne le gaspillent trop vite et afin d’éviter l’implication du Curateur public dans la gestion.

Importance du testament pour les conjoints en union libre

Ne pas se munir d’un testament approprié lorsqu’on est conjoint de fait au Québec n’est pas une démarche anodine. Bien qu’un projet de loi visant à protéger les conjoints de fait ait été adopté récemment, ceux qui désirent favoriser leur partenaire en cas de décès doivent impérativement rédiger un testament notarié, désignant explicitement le conjoint de fait comme successible et liquidateur de leur succession, le cas échéant.

Le notaire : votre meilleur allié pour un testament en béton

Il est fortement recommandé de faire appel à un notaire pour préparer votre testament, car le testament sous forme notariée est le seul testament authentique reconnu au Québec qui ne devra pas passer par une procédure de vérification après votre décès, évitant ainsi des délais et coûts additionnels pour vos proches. Par ailleurs, en faisant appel à un notaire, vous bénéficiez de ses précieux conseils juridiques qui vous aideront à mieux planifier votre succession.

Pour les conjoints de fait au Québec, rédiger un testament est bien plus qu’une formalité légale – c’est un acte d’amour et de prévoyance.

Ne laissez pas le hasard décider de l’avenir de vos proches. Prenez rendez-vous avec un notaire dès aujourd’hui et offrez-vous, ainsi qu’à vos proches, la tranquillité d’esprit que vous méritez !

Les renseignements fournis dans cet article sont à titre indicatif seulement et ne représentent pas une opinion ou un conseil juridique. Consultez votre notaire pour obtenir de l’information adaptée à votre situation.