L’une des questions les plus fréquemment posées aux notaires est : que deviendront mes enfants si un malheur m’arrive?
Cette question, motivée par l’instinct parental et empreinte d’inquiétude, révèle souvent une méconnaissance des conséquences légales d’une telle situation. Dans cet article, on démystifie le sujet pour vous.
Qui est le tuteur d’un enfant mineur ?
Les deux parents sont légalement considérés comme les tuteurs de l’enfant mineur. En cas de décès, d’incapacité ou de déchéance de l’autorité parentale par décision du tribunal pour l’un des parents, l’autre parent devient automatiquement le tuteur unique sans autre formalité.
Si le sort s’acharne sur les deux parents, qui prendra soin de l’enfant mineur ?
En l’absence de désignation d’un tuteur, l’enfant n’est pas automatiquement confié à un membre de la famille proche. Les tribunaux interviendront pour désigner un tuteur pour votre ou vos enfants. Pendant ce temps, l’enfant pourrait être placé sous la garde de la DPJ et être hébergé dans une famille d’accueil.
C’est une situation à éviter à tout prix, car l’enfant, déjà confronté au deuil et au choc de la perte de ses parents, pourrait vivre un stress supplémentaire en se retrouvant dans un environnement étranger.
Plusieurs membres de votre famille ou amis pourraient prétendre être le choix de tuteur que vous auriez fait pour vos enfants mineurs. Cela peut mener à des disputes judiciaires, générant ainsi du stress, une perte de temps et d’argent, voire une rupture des relations entre proches. De plus, la personne finalement désignée par le juge pourrait ne pas être celle que vous auriez souhaitée.
Désignation d’un tuteur dans le testament
Votre testament offre la possibilité valorisante de désigner une personne de confiance comme tuteur, que ce soit un·e ami·e ou un·e membre de la famille. Cette décision assure une nomination claire et spécifique, avec des dispositions précises pour le remplacement éventuel des tuteurs selon vos souhaits. Lorsque vous rédigez votre testament, voici quelques critères à prendre en compte pour le choix de vos tuteurs :
1. Il·Elle doit être majeur·e et apte à prendre des décisions importantes.
Un·e mineur·e ne peut pas être tuteur d’un·e autre mineur·e. Cependant, si vous souhaitez désigner par exemple un de vos enfants aînés comme tuteur de ses frères et sœurs mineur·e·s, vous pouvez le faire en spécifiant comme condition qu’il ait atteint un certain âge au moment de votre décès, par exemple 18 ans. Cette option est idéale pour les parents avec des enfants d’âges différents ou ceux qui ont peu de famille ou d’amis proches pour désigner des tuteurs pour leurs enfants.
2. Il doit s’agir d’une personne de confiance qui partage vos valeurs et qui saura bien s’occuper de vos enfants mineurs et les accueillir chez elle.
3. Il peut s’agir d’un·e membre de la famille ou d’un ami·e proche.
Idéalement, choisissez une personne que vos enfants connaissent bien et apprécient, ce qui facilitera leur adaptation à leur nouveau milieu.
4. Il peut s’agir d’un couple ou d’un individu.
Vous pouvez désigner une personne seule ou un couple comme tuteurs. Dans ce dernier cas, assurez-vous que les deux personnes désignées peuvent collaborer efficacement dans la prise de décisions concernant vos enfants. Prévoyez également ce qui arrivera si l’un des tuteurs décède ou devient incapable de remplir ses fonctions, par exemple en spécifiant que l’autre tuteur peut agir seul.
5. Prévoyez des tuteurs de remplacement.
La personne que vous désignez comme tuteur dans votre testament n’est pas obligée d’accepter cette responsabilité. Même si vous avez discuté avec elle au moment de la rédaction de votre testament, sa situation personnelle peut changer, par exemple en cas de séparation, de perte d’emploi ou de problèmes de santé. Il est donc essentiel de désigner des tuteurs de remplacement en cas de décès, de refus ou d’incapacité d’agir du tuteur principal.
Points importants à considérer :
1. Que vous soyez marié(e) ou en union de fait, divorcé(e) ou séparé(e), les règles concernant la tutelle des enfants mineurs restent les mêmes. Il est donc essentiel de rédiger un testament.
2. Au Québec, lorsque les deux parents ont exprimé des volontés différentes concernant la tutelle de leurs enfants, les volontés du dernier parent décédé prévalent. Il est donc important de discuter de ce choix avec le second parent.
3. Notez que le tuteur que vous désignerez ne sera pas financièrement responsable des frais liés à l’éducation de vos enfants mineurs jusqu’à leur majorité. Ces coûts seront couverts par l’héritage que vous léguerez à vos enfants.
4. La désignation du tuteur dans votre testament ne fait pas force de loi. Le choix du tuteur doit toujours être dans le meilleur intérêt de l’enfant, comme le stipule l’article 33 du Code civil du Québec. Toute personne intéressée peut demander une révision auprès du Curateur public si elle estime que le choix du tuteur n’est pas dans le meilleur intérêt de l’enfant.
Par exemple, vous désignez un·e ami·e comme tuteur dans votre testament et qu’après votre décès, cet·te ami·e rencontre des difficultés personnelles qui compromettent sa capacité à prendre soin de vos enfants. Une personne concernée comme un enseignant de vos enfants pourrait soulever cette préoccupation auprès du Curateur public. Dans ce cas, un juge pourrait être amené à réévaluer la nomination du tuteur et envisager de le révoquer de ses fonctions de tuteur des enfants.
6. Il est possible de désigner comme tuteur une personne résidant à l’étranger. C’est souvent le cas pour les immigrants qui n’ont pas de famille ou d’amis proches au Canada. Cependant, il est important de noter que cette désignation pourrait être remise en question si elle n’est pas dans le meilleur intérêt des enfants. Par exemple, si vous désignez la sœur d’un des parents résidant à l’étranger comme tuteur, et que vos enfants ont développé des liens solides localement, comme des amitiés, des activités parascolaires, et une intégration réussie dans le système éducatif, un tiers pourrait contester cette désignation si un déménagement à l’étranger est envisagé. Le juge pourrait décider de rejeter votre nomination du tuteur en tenant compte de ces facteurs, notamment de la maturité des enfants.
Importance du mandat en cas d’inaptitude
Il est essentiel de rappeler que le testament ne prend effet qu’au décès. Pour assurer une protection complète et adéquate de vos enfants, il est essentiel de préparer aussi un mandat en cas d’inaptitude qui désigne des tuteurs pour vos enfants mineurs.
Ce mandat devient crucial en cas d’incapacité, vous permettant ainsi de prévoir qui prendra soin de vos enfants si vous ne pouvez plus le faire de votre vivant.
Imaginons un couple qui a rédigé des testaments mais n’a pas prévu de mandats en cas d’inaptitude. Suite à un accident de la route, l’un des parents décède et l’autre se retrouve dans le coma. Bien que le parent survivant devient automatiquement le tuteur légal unique de l’enfant, le fait de devenir inapte lui fait perdre la tutelle. De plus, aussi longtemps que ce parent est en vie, son testament ne peut pas être mis en œuvre, ce qui pourrait entraîner le placement de l’enfant en famille d’accueil jusqu’à ce qu’un tuteur légal soit nommé par le juge.
La désignation d’un tuteur dans votre testament et mandat en cas d’inaptitude est essentielles pour protéger vos enfants mineurs en cas de malheur.
En consultant un notaire, vous vous assurez que ces documents seront authentiques et respecteront parfaitement vos volontés. Vous bénéficierez également de précieux conseils juridiques pour préserver ce qui vous est le plus cher : le bien-être de vos enfants.
Les renseignements fournis dans cet article sont à titre indicatif seulement et ne représentent pas une opinion ou un conseil juridique. Consultez votre notaire pour obtenir de l’information adaptée à votre situation.